Les mauvaises langues affirment que la baisse actuelle de fréquentation des salles de cinéma serait due à la concurrence déloyale du Palais-Bourbon. Si le spectacle offert depuis quelque temps par les députés ressemblait déjà souvent à du cinéma, la discussion budgétaire qu’ils nous proposent désormais semble en effet les mener droit vers l’Oscar.
À l’instar des Byzantins qui continuaient de discuter du sexe des anges pendant que les Ottomans s’attaquaient à leurs murailles, certains députés, pourvus d’un sens étrange des priorités, en viennent même à discuter des bienfaits ou des méfaits de l’alcool à la buvette de l’Assemblée plutôt que d’affronter le mur de la dette. Ce n’est pas la peine de les nommer, vous les aurez reconnus, ce sont ceux qui osent tout.
Quoi qu’il en soit, cette situation est regrettable car le vote de la loi de finances est censé constituer l’acmé de la vie parlementaire et donc démocratique. Notre Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 prévoit à son article 14 que « tous les citoyens ont le droit de constater, par eux-mêmes ou par leurs représentants, la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement, d’en suivre l’emploi, et d’en déterminer la quotité, l’assiette, le recouvrement et la durée ». Or, la seule chose que peut constater aujourd’hui le citoyen, c’est l’imagination débridée dont font preuve les députés en matière de fiscalité, par pur motif idéologique pour certains, pour sauver leur siège pour d’autres et en vue des futures élections probables pour beaucoup. Nous sommes donc plus proches de la futilité que de la nécessité. Et si les contribuables pouvaient donner leur avis, il est probable que peu d’entre eux consentiraient à de tels discours.
Les députés semblent donc avoir renoncé à faire de la discussion budgétaire le grand débat démocratique qu’il doit être et avoir oublié qu’ils ne sont que les représentants du peuple. Ce même peuple qui, à défaut de comprendre l’emploi qui est fait de sa contribution, est en droit de demander à ces mêmes représentants : « Qu’avez-vous fait de mon argent et qu’avez-vous l’intention de faire avec celui que vous voulez encore me prendre ? ». Au lieu de transformer l’hémicycle en arène, les députés feraient donc mieux de réfléchir à la réponse qu’ils pourraient alors apporter. Car n’oublions pas qu’il leur faudra expliquer pourquoi depuis 50 ans la dette du pays augmente continuellement au point d’en devenir ingérable, alors même que les impôts ne cessent d’augmenter eux aussi.
Malheureusement, les députés semblent aujourd’hui subjugués par la nécessité de faire semblant d’obtenir un budget, l’essentiel restant de ne surtout pas avoir à l’assumer. Chacun propose ainsi des amendements budgétaires allant dans le sens de son électorat, sans se préoccuper de leurs chances de succès ou alors de leur effet réel sur les finances du pays. Comme si, après avoir fait le deuil du consentement populaire à l’impôt, on s’apprêtait à faire le deuil du consentement parlementaire.
Les citoyens doivent pourtant consentir à l’impôt et, pour ce faire, le gouvernement et les parlementaires doivent leur démontrer en quoi cet impôt est nécessaire pour ensuite leur rendre compte de l’usage qui en a été fait.
Au lieu de cela, les politiques se bornent à entraîner contre leur gré les citoyens dans les turbulences qu’ils ont eux-mêmes créées. En accumulant les amendements pour imaginer de nouvelles recettes et créer de futures dépenses pour ensuite en venir aux contre-amendements qui démontent ce qui n’a pas encore été voté, le Parlement, et avec lui le gouvernement, rendent le débat budgétaire parfaitement incompréhensible. Or, on ne peut consentir à ce que l’on ne comprend pas et encore moins le contrôler.
Le contribuable moyen n’est d’ailleurs pas masochiste. Pourquoi accepterait-il de nouveaux impôts alors qu’il n’arrive pas à finir le mois et pourquoi admettrait-il de nouvelles dépenses qui ne servent qu’à justifier ces nouveaux impôts ?
Pour paraphraser un ancien Premier ministre, demandons donc aux hommes politiques de se taire pour qu’ils écoutent enfin le peuple. D’autant que les prouesses parlementaires actuelles ne paraissant pas propices à l’émergence d’un texte budgétaire digne de ce nom, on risque, après le vote sans débat du 49-3, de s’acheminer vers des débats sans vote…
Benoît Perrin
Benoît Perrin est titulaire d’un master I en droit public à l’université Bordeaux IV, d’un master II à l’Institut Français de Presse délivré par l’université Panthéon-Assas, ainsi que d’un master en Management des Hommes et des organisations suivi à l’ESCP. Son parcours professionnel est à la fois ancré dans l’univers économique et dans l’engagement associatif. Consultant en organisation de 2006 à 2016 dans différents cabinets de conseil (Sia Partners, Accenture, Ayming), il met ses compétences au service des collectivités locales, des ministères et des hôpitaux pour améliorer la gestion des finances et des service publics. Désireux de participer au redressement de son pays, il s’engage fin 2016 comme directeur opérationnel de l’IFP, école de l’engagement civique où il accompagne les jeunes désireux de défendre les libertés dans les associations, la politique et les médias. En décembre 2022, il prend la direction de Contribuables Associés, première association de contribuables de France avec 350 000 membres. Apolitique, non partisane et non subventionnée, Contribuables Associés milite activement pour une gestion saine des deniers publics et lutte contre les gaspillages (rendez-vous auprès des décideurs, publication d’études, passages médiatiques, campagnes dans la presse, sur les réseaux sociaux, pétitions…).
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