Frédéric Masquelier, maire de Saint-Raphaël, plaide à une refondation profonde de l’État français.
Face à une bureaucratie paralysante et à une décentralisation inachevée, il plaide pour un fédéralisme à la française.
Son ambition : redonner de vraies compétences aux territoires et recentrer l’État sur ses missions essentielles.
Une révolution institutionnelle pour rendre l’action publique plus efficace et le pouvoir aux citoyens.

 

L’écho fait aux récentes prises de positions de Jean-Louis Borloo, a montré que la France est prête à entendre des voix dissonantes pour engager une refondation de l’Etat que nous sommes quelques-uns à appeler de nos vœux depuis longtemps.

Les maires, confrontés chaque jour aux blocages de l’État, qui attendent plus que de simples rafistolages institutionnels se sentent un peu moins seuls. Oui, il nous faut rompre avec les réflexes bureaucratiques de la haute administration et assumer un véritable saut décentralisateur, allant jusqu’à un fédéralisme organisé autour de grandes provinces dotées de compétences pleines et entières. Cette position que nous portons avec conviction s’inscrit dans le débat récent sur la crise de la gouvernance française et sur la nécessité de redonner aux territoires la maîtrise de leur destin. Elle est un simple alignement sur la manière dont fonctionnent tous les grands Etats occidentaux.

Un pays pris dans le piège bureaucratique

La France n’est plus gouvernée par une vision politique. Elle pilotée autant qu’elle est étouffée par un empilement de normes, d’inspections, de comités Théodule et d’autorités dites indépendantes (ce qui signifie en réalité qu’elles n’ont de compte à rendre à personne et qu’elles s’affranchissent de la souveraineté populaire). Un système sans tête, sans responsable, mais qui transforme chaque décision publique en un parcours d’obstacles de plus en plus infranchissables.

En parlant d’un « pays de contrôleurs et d’inspecteurs » dans lequel la suradministration grignote les marges de manœuvre, retarde les projets et renchérit les politiques publiques sans améliorer leur efficacité, Jean-Louis Borloo a su résumer en une formule le diagnostic que j’avais appelé « bureaucrature ».

Cette situation, qui ne fait que s’aggraver, ruine la confiance des Français. Quand un haut fonctionnaire décide depuis Bercy des logements à construire dans les communes ou des investissements à lancer dans une commune, le message envoyé est clair : le terrain n’est plus jugé digne de décider par lui-même ni pour lui-même.

Une décentralisation inaboutie

La France n’a pas manqué de réformes territoriales, mais elles se sont souvent limitées à redessiner des cartes ou fusionner des structures, sans clarifier qui décide de quoi. En définitive, l’on s’est contenté de réduire le nombre de régions sans véritable logique territoriale, on a multiplié les empilements de strates intermédiaires, métropoles, intercommunalités, etc,..tout en promettant un choc de simplification. Un mouvement perpétuel de réformes inabouties pour garantir à l’Etat un contrôle permanent et un pouvoir sans appel. 

Le résultat c’est que tout le monde est censé faire mais plus personne n’est responsable de rien.  Les régions distribuent l’argent des autres, les départements n’ont quasiment plus de marge de manœuvre tant la promesse de compensation à l’euro des dépenses sociales par l’Etat était un leurre et les communes ont vu disparaitre leurs marges amputées avec la suppression de la taxe d’habitation. L’État, lui, sans jamais se remettre en question, ponctionne leurs finances pour combler les conséquences de ses inconséquences budgétaires. Incapable de s’appliquer les contraintes qu’il impose aux autres, l’Etat est devenu aussi impotent qu’il est omnipotent !

La révolution fédérale

Il y a un an, dans une tribune sur la décentralisation radicale j’appelais à réfléchir à un Fédéralisme à la Française.

Je suis persuadé, et fort heureusement, je ne suis pas le seul, que l’heure n’est plus aux petites lois. La situation de la France exige un changement de logiciel : passer d’un État qui prescrit tout à un État qui fixe des objectifs et laisse aux territoires le soin d’inventer les moyens. Cela suppose de structurer le pays autour de grandes provinces, dotées de compétences exclusives en matière de développement économique, de logement, de transport, de santé de proximité, d’éducation et de transition écologique. 

L’État doit se recentrer sur le régalien, la diplomatie, la justice, la sécurité, la cohésion nationale et les grands équilibres financiers, en renonçant à microgérer chaque équipement, chaque dispositif, chaque expérimentation locale. Un tel fédéralisme n’est pas un affaiblissement de la République, mais au contraire une manière de la rendre à nouveau lisible et efficace.

Redonner du pouvoir aux territoires …

Cette vision fédérale rejoint une aspiration largement partagée : retrouver une liberté d’agir perdue au fil des réformes inachevées. Le travail engagé lors des premières rencontres sur le fédéralisme qui se sont tenues le 4 juillet dernier à Saint-Raphaël a montré qu’il y avait une vraie attente des citoyens comme des décideurs dans une refonte profonde de l’Etat qui ne soit pas que cosmétique.

Un tel basculement suppose d’accepter une révolution culturelle : admettre que la France n’est plus gouvernable depuis un seul centre, que la diversité de ses territoires est une force à organiser plutôt qu’un risque à contrôler.

Une République adulte doit accepter aussi que les territoires ultramarins se retrouvent au cœur de cette transformation en leur donnant une autonomie renforcée leur permettrant d’élaborer leurs propres politiques, stimulant leur développement et consolidant leur lien avec la Nation.

… Pour le rendre aux citoyens

Engager une réforme qui irait bien au-delà d’un simple transfert de compétences refonderait la démocratie locale. A cet égard, il serait grand temps que notre démocratie soit suffisamment sûre d’elle-même pour accepter la systémisation du vote électronique sécurisé pour développer les consultations locales, dynamiser la participation citoyenne et en définitive, redonner vie à un système politique à bout de souffle.

Les citoyens, trop souvent relégués au rôle de spectateurs, retrouveraient une place centrale dans la décision publique.

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