De la mode aux produits dérivés, en passant par les hebdomadaires, l’exposition « Manga Tout un art ! » actuellement au musée Guimet met en scène l’univers foisonnant du manga comme forme artistique. 

Avec pédagogie, elle retrace les sources d’inspiration du manga et la façon dont le manga s’impose comme un pilier de nos représentations. 

Rencontre avec Didier Pasamonik, co-commissaire, éditeur, journaliste, commissaire d’expositions et directeur de la rédaction d’ActuaBD. 

 

Quel a été pour vous le tournant dans la manière dont on considère le manga ? Comment est-il passé dans nos représentations d’un objet commercial pour les jeunes à un objet culturel ?

 

En France, l’imprimé a été un tournant. Jusqu’alors, le manga était essentiellement diffusé sous forme de dessins animés. En effet, les chaînes de télévision s’étaient tournées vers les mangas pour remplir leurs cases jeunesse. Les séries étaient alors achetées par paquets. Bien loin des séries jeunesse, c’était un tout venant, avec des histoires de monstres et de la violence, qui a donné au manga, mauvaise réputation. 

Avec les premiers imprimés comme Dragon Ball, des éditeurs comme J’ai Lu, Glénat ou Tonkam ont importé de grands auteurs japonais. L’approche que l’on a des mangas évolue alors. Dès 1991, avec la Japan Expo, le public des mangas est activement reconnu. En 1994, les fans de mangas sont accueillis au CNIT. Le manga s’impose comme un eldorado qui attire beaucoup d’éditeurs. C’est le début de l’âge d’or. 

D’ailleurs, aujourd’hui, la France est le 2ème marché au monde en termes de nombre de titres publiés après le Japon. 

 

En quoi les mangas nous offrent-ils une grille de lecture du Japon et de la société ?

 

Dans un certain nombre de séries, nous retrouvons des personnages bien connus de la littérature. C’est par exemple, le Roi Singe, du roman La pérégrination vers l’Ouest personnage, chef d’œuvre chinois que les Japonais se sont appropriés. Dans One Piece, l’un des épisodes se situe au Pays de Wa à l’époque d’Edo. Des éléments issus de l’histoire du Japon, directement inspirés pas estampes, sont présents. Autre exemple, Naruto, le petit ninja est hanté par un un démon-renard, le bijû Kurama, tiré de la tradition japonaise. 

 

De quelle manière les mangas participent-ils à la circulation des œuvres d’art ?

 

L’exposition « Manga Tout un art ! » montre qu’en France et en Europe, la définition

des arts est très segmentée : le 7e art pour le cinéma, le 8e art pour la télévision, le 9 e

art pour la bande dessinée, alors que pour les Japonais, le manga est une seule et même chose. Quand, l’univers du manga moderne est créé, avec Osamu Tezuka, il

est alors développé dans tous les arts possibles.

Au musée Guimet, il y a pour cette exposition près de 150 originaux. Les mangakas sont des artistes. On y trouve notamment des planches d’une virtuosité étonnate, de magnifiques gouaches. 

 

En réinvestissant des mythes, des personnages phares, de quelle façon les récits graphiques apportent-ils d’autres possibles et appréhensions de ceux-ci ?

 

Les bandes dessinées et les comics américains mobilisent les mythologies grecques, romaines ou scandinaves à l’image de Thor. Avec Astérix, nous avons une parodie d’Histoire. Chez Tolkien, la mythologie scandinave est complétement réinventée. Mais aussi au Japon, avec les Chevaliers du Zodiaque par exemple. De la même façon, les mangas sont une grande machine à faire turbiner les mythes !

 

Vous faites entrer le manga dans un musée. Qu’est-ce que cela dit du manga et de nous lecteurs ?

 

Avec l’entrée dans le musée, il y a une normalisation d’une catégorie de la bande dessinée parmi les autres. Cela montre que le manga est sorti de l’enfance.  Il parle à l’ensemble des générations. Le manga est un art narratif qui permet d’apprécier toutes sortes d’univers. Derrière ces créations, se trouvent de véritables génies. 

 

Exposition « Manga Tout un art ! » au Musée Guimet jusqu’au 9 mars 2026. 


Mathilde Aubinaud

Diplômée du CELSA et ancienne auditrice de l’École de Guerre, Mathilde Aubinaud est communicante. Après Foxintelligence (Nielsen), le ministère de l’Économie des Finances et Deloitte, elle est directrice associée chez Havas Paris et dirige le think tank #NEWDEAL. Elle enseigne depuis 2014 la communication et l’étude des médias dans l’enseignement supérieur. Elle a écrit plusieurs livres dont La Saga des Audacieux (VA Editions).

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